La fille du capitaine by Alexandre Pouchkine


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Page 6

J��tais dans cette disposition de l��me o� la r�alit� commence �
se perdre dans la fantaisie, aux premi�res visions incertaines de
l�assoupissement. Il me semblait que le _bourane_ continuait
toujours et que nous errions sur le d�sert de neige. Tout � coup
je crus voir une porte coch�re, et nous entr�mes dans la cour de
notre maison seigneuriale.

Ma premi�re id�e fut la peur que mon p�re ne se f�ch�t de mon
retour involontaire sous le toit de la famille, et ne l�attribu�t
� une d�sob�issance calcul�e. Inquiet, je sors de ma _kibitka_, et
je vois ma m�re venir � ma rencontre avec un air de profonde
tristesse. �Ne fais pas de bruit, me dit-elle; ton p�re est �
l�agonie et d�sire te dire adieu.� Frapp� d�effroi, j�entre � sa
suite dans la chambre � coucher. Je regarde; l�appartement est �
peine �clair�. Pr�s du lit se tiennent des gens � la figure triste
et abattue. Je m�approche sur la pointe du pied. Ma m�re soul�ve
le rideau et dit: �Andr� P�trovitch, P�troucha est de retour; il
est revenu en apprenant ta maladie. Donne-lui ta b�n�diction.� Je
me mets � genoux et j�attache mes regards sur le mourant. Mais
quoi! au lieu de mon p�re, j�aper�ois dans le lit un paysan �
barbe noire, qui me regarde d�un air de gaiet�. Plein de surprise,
je me tourne vers ma m�re: �Qu�est-ce que cela veut dire?
m��criai-je; ce n�est pas mon p�re. Pourquoi veux-tu que je
demande sa b�n�diction � ce paysan? -- C�est la m�me chose,
P�troucha, r�pondit ma m�re; celui-l� est ton _p�re assis_[15]_;_
baise-lui la main et qu�il te b�nisse.� Je ne voulais pas y
consentir. Alors le paysan s��lan�a du lit, tira vivement sa hache
de sa ceinture et se mit � la brandir en tous sens. Je voulus
m�enfuir, mais je ne le pus pas. La chambre se remplissait de
cadavres. Je tr�buchais contre eux; mes pieds glissaient dans des
mares de sang. Le terrible paysan m�appelait avec douceur en me
disant: �Ne crains rien, approche, viens que je te b�nisse�.
L�effroi et la stupeur s��taient empar�s de moi...

En ce moment je m��veillai. Les chevaux �taient arr�t�s;
Sav�liitch me tenait par la main.

�Sors, seigneur, me dit-il, nous sommes arriv�s.

-- O� sommes-nous arriv�s? demandai-je en me frottant les yeux.

-- Au g�te; Dieu nous est venu en aide; nous sommes tomb�s droit
sur la haie de la maison. Sors, seigneur, plus vite, et viens te
r�chauffer.�

Je quittai la _kibitka_. Le _bourane_ durait encore, mais avec une
moindre violence. Il faisait si noir qu�on pouvait, comme on dit,
se crever l�oeil. L�h�te nous re�ut pr�s de la porte d�entr�e, en
tenant une lanterne sous le pan de son cafetan, et nous
introduisit dans une chambre petite, mais assez propre. Une
_loutchina_[16] l��clairait. Au milieu �taient suspendues une
longue carabine et un haut bonnet de Cosaque.

Notre h�te, Cosaque du Ia�k[17], �tait un paysan d�une soixantaine
d�ann�es, encore frais et vert. Sav�liitch apporta la cassette �
th�, et demanda du feu pour me faire quelques tasses, dont je
n�avais jamais en plus grand besoin. L�h�te se h�ta de le servir.

�O� donc est notre guide? demandai-je � Sav�liitch.

-- Ici, Votre Seigneurie�, r�pondit une voix d�en haut.

Je levai les yeux sur la soupente, et je vis une barbe noire et
deux yeux �tincelants.

�Eh bien! as-tu froid?

-- Comment n�avoir pas froid dans un petit cafetan tout trou�?
J�avais un _touloup;_ mais, � quoi bon m�en cacher, je l�ai laiss�
en gage hier chez le marchand d�eau-de-vie; le froid ne me
semblait pas vif.�

En ce moment l�h�te rentra avec le _somovar_[18] tout bouillant. Je
proposai � notre guide une tasse de th�. Il descendit aussit�t de
la soupente. Son ext�rieur me parut remarquable. C��tait un homme
d�une quarantaine d�ann�es, de taille moyenne, maigre, mais avec
de larges �paules. Sa barbe noire commen�ait � grisonner. Ses
grands yeux vifs ne restaient jamais tranquilles. Il avait dans la
physionomie une expression assez agr�able, mais non moins
malicieuse. Ses cheveux �taient coup�s en rond. Il portait un
petit _armak_[19] d�chir� et de larges pantalons tatars. Je lui
offris une tasse de th�, il en go�ta et fit la grimace. �Faites-
moi la gr�ce, Votre Seigneurie, me dit-il, de me faire donner un
verre d�eau-de-vie; le th� n�est pas notre boisson de Cosaques.�

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Books | Photos | Paul Mutton | Thu 10th Apr 2025, 14:07