La fille du capitaine by Alexandre Pouchkine


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Page 5

Je passai la t�te hors de la _kibitka;_ tout �tait obscurit� et
tourbillon. Le vent soufflait avec une expression tellement
f�roce, qu�il semblait en �tre anim�. La neige s�amoncelait sur
nous et nous couvrait. Les chevaux allaient au pas, et ils
s�arr�t�rent bient�t. �Pourquoi n�avances-tu pas? dis-je au cocher
avec impatience.

-- Mais o� avancer? r�pondit-il en descendant du tra�neau. Dieu
seul sait o� nous sommes maintenant. Il n�y a plus de chemin et
tout est sombre.�

Je me mis � le gronder, mais Sav�liitch prit sa d�fense.

�Pourquoi ne l�avoir pas �cout�? me dit-il avec col�re. Tu serais
retourn� au relais; tu aurais pris du th�; tu aurais dormi
jusqu�au matin; l�orage se serait calm� et nous serions partis. Et
pourquoi tant de h�te? Si c��tait pour aller se marier, passe.�

Sav�liitch avait raison. Qu�y avait-il � faire? La neige
continuait de tomber; un amas se formait autour de la _kibitka_.
Les chevaux se tenaient immobiles, la t�te baiss�e, et
tressaillaient de temps en temps. Le cocher marchait autour d�eux,
rajustant leur harnais, comme s�il n�e�t eu autre chose � faire.
Sav�liitch grondait. Je regardais de tous c�t�s, dans l�esp�rance
d�apercevoir quelque indice d�habitation ou de chemin; mais je ne
pouvais voir que le tourbillonnement confus du _chasse-neige_...
Tout � coup je crus distinguer quelque chose de noir.

�Hol�! cocher, m��criai-je, qu�y a-t-il de noir l�-bas?�

Le cocher se mit � regarder attentivement du cot� que j�indiquais.

�Dieu le sait, seigneur, me r�pondit-il en reprenant son si�ge; ce
n�est pas un arbre, et il me semble que cela se meut. Ce doit �tre
un loup ou un homme.�

Je lui donnai l�ordre de se diriger sur l�objet inconnu, qui vint
aussi � notre rencontre. En deux minutes nous �tions arriv�s sur
la m�me ligne, et je reconnus un homme.

�Hol�! brave homme, lui cria le cocher; dis-nous, ne sais-tu pas
le chemin?

-- Le chemin est ici, r�pondit le passant; je suis sur un endroit
dur. Mais � quoi diable cela sert-il?

-- �coute, mon petit paysan, lui dis-je; est-ce que tu connais
cette contr�e? Peux-tu nous conduire jusqu�� un g�te pour y passer
la nuit?

-- Cette contr�e? Dieu merci, repartit le passant, je l�ai
parcourue � pied et en voiture, en long et en large. Mais vois
quel temps? Tout de suite on perd la route. Mieux vaut s�arr�ter
ici et attendre; peut-�tre l�ouragan cessera. Et le ciel sera
serein, et nous trouverons le chemin avec les �toiles.�

Son sang-froid me donna du courage. Je m��tais d�j� d�cid�, en
m�abandonnant � la gr�ce de Dieu, � passer la nuit dans la steppe,
lorsque tout � coup le passant s�assit sur le banc qui faisait le
si�ge du cocher: �Gr�ce � Dieu, dit-il � celui-ci, une habitation
n�est pas loin. Tourne � droite et marche.

-- Pourquoi irais-je � droite? r�pondit mon cocher avec humeur. O�
vois-tu le chemin? Alors il faut dire: chevaux � autrui, harnais
aussi, fouette sans r�pit.�

Le cocher me semblait avoir raison. �En effet, dis-je au nouveau
venu, pourquoi crois-tu qu�une habitation n�est pas loin?

-- Le vent a souffl� de l�, r�pondit-il, et j�ai senti une odeur
de fum�e, preuve qu�une habitation est proche.�

Sa sagacit� et la finesse de son odorat me remplirent
d��tonnement. J�ordonnai au cocher d�aller o� l�autre voulait. Les
chevaux marchaient lourdement dans la neige profonde. La _kibitka_
s�avan�ait avec lenteur, tant�t soulev�e sur un amas, tant�t
pr�cipit�e dans une fosse et se balan�ant de c�t� et d�autre. Cela
ressemblait beaucoup aux mouvements d�une barque sur la mer
agit�e. Sav�liitch poussait des g�missements profonds, en tombant
� chaque instant sur moi. Je baissai la tsinovka[14], je
m�enveloppai dans ma pelisse et m�endormis, berc� par le chant de
la temp�te et le roulis du tra�neau. J�eus alors un songe que je
n�ai plus oubli� et dans lequel je vois encore quelque chose de
proph�tique, en me rappelant les �tranges aventures de ma vie. Le
lecteur m�excusera si je le lui raconte, car il sait sans doute
par sa propre exp�rience combien il est naturel � l�homme de
s�abandonner � la superstition, malgr� tout le m�pris qu�on
affiche pour elle.

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 10th Jan 2025, 1:32