La fille du capitaine by Alexandre Pouchkine


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Page 2

-- Eh bien! quoi?

-- Mais le chef de P�troucha est le prince B... Tu sais bien qu�il
est inscrit au r�giment S�m�nofski.

-- Inscrit! qu�est-ce que cela me fait qu�il soit inscrit ou non?
P�troucha n�ira pas � P�tersbourg. Qu�y apprendrait-il? � d�penser
de l�argent et � faire des folies. Non, qu�il serve � l�arm�e,
qu�il flaire la poudre, qu�il devienne un soldat et non pas un
fain�ant de la garde, qu�il use les courroies de son sac. O� est
son brevet? donne-le-moi.�

Ma m�re alla prendre mon brevet, qu�elle gardait dans une cassette
avec la chemise que j�avais port�e � mon bapt�me, et le pr�senta �
mon p�re d�une main tremblante. Mon p�re le lut avec attention, le
posa devant lui sur la table et commen�a sa lettre.

La curiosit� me talonnait. �O� m�envoie-t-on, pensais-je, si ce
n�est pas � P�tersbourg?� Je ne quittai pas des yeux la plume de
mon p�re, qui cheminait lentement sur le papier. Il termina enfin
sa lettre, la mit avec mon brevet sous le m�me couvert, �ta ses
lunettes, n�appela et me dit: �Cette lettre est adress�e � Andr�
Kinlovitch R..., mon vieux camarade et ami. Tu vas � Orenbourg[7]
pour servir sous ses ordres.�

Toutes mes brillantes esp�rances �taient donc �vanouies. Au lieu
de la vie gaie et anim�e de P�tersbourg, c��tait l�ennui qui
m�attendait dans une contr�e lointaine et sauvage. Le service
militaire, auquel, un instant plus t�t, je pensais avec d�lices,
me semblait une calamit�. Mais il n�y avait qu�� se soumettre. Le
lendemain matin, une _kibitka_ de voyage fut amen�e devant le
perron. On y pla�a une malle, une cassette avec un servie � th� et
des serviettes nou�es pleines de petits pains et de petits p�t�s,
derniers restes des dorloteries de la maison paternelle. Mes
parents me donn�rent leur b�n�diction, et mon p�re me dit: �Adieu,
Pierre; sers avec fid�lit� celui � qui tu as pr�t� serment; ob�is
� tes chefs; ne recherche pas trop leurs caresses; ne sollicite
pas trop le service, mais ne le refuse pas non plus, et rappelle-
toi le proverbe: Prends soin de ton habit pendant qu�il est neuf,
et de ton honneur pendant qu�il est jeune.� Ma m�re, tout en
larmes, me recommanda de veiller � ma sant�, et � Sav�liitch
d�avoir bien soin du petit enfant. On me mit sur le corps un court
_touloup_[8] de peau de li�vre, et, par-dessus, une grande pelisse
en peau de renard. Je m�assis dans la _kibitka_ avec Sav�liitch,
et partis -pour ma destination en pleurant am�rement.

J�arrivai dans la nuit � Sirabirsk, o� je devais rester vingt-
quatre heures pour diverses emplettes confi�es � Sav�liitch. Je
m��tais arr�t� dans une auberge, tandis que, d�s le matin,
Sav�liitch avait �t� courir les boutiques. Ennuy� de regarder par
les fen�tres sur une ruelle sale, je me mis � errer par les
chambres de l�auberge. J�entrai dans la pi�ce du billard et j�y
trouvai un grand monsieur d�une quarantaine d�ann�es, portant de
longues moustaches noires, en robe de chambre, une queue � la main
et une pipe � la bouche. Il jouait avec le marqueur, qui buvait un
verre d�eau-de-vie s�il gagnait, et, s�il perdait, devait passer
sous le billard � quatre pattes. Je me mis � les regarder jouer;
plus leurs parties se prolongeaient, et plus les promenades �
quatre pattes devenaient fr�quentes, si bien qu�enfin le marqueur
resta sous le billard. Le monsieur pronon�a sur lui quelques
expressions �nergiques, en guise d�oraison fun�bre, et me proposa
de jouer une partie avec lui. Je r�pondis que je ne savais pas
jouer au billard. Cela lui parut sans doute fort �trange. Il me
regarda avec une sorte de commis�ration. Cependant l�entretien
s��tablit. J�appris qu�il se nommait Ivan Ivanovitch[9] Zourine,
qu�il �tait chef d�escadron dans les hussards ***, qu�il se
trouvait alors � Simbirsk pour recevoir des recrues, et qu�il
avait pris son g�te � la m�me auberge que moi. Zourine m�invita �
d�ner avec lui, � la soldat, et, comme on dit, de ce que Dieu nous
envoie. J�acceptai avec plaisir; nous nous m�mes � table; Zourine
buvait beaucoup et m�invitait � boire, en me disant qu�il fallait
m�habituer au service. Il me racontait des anecdotes de garnison
qui me faisaient rire � me tenir les c�tes, et nous nous lev�mes
de table devenus amis intimes. Alors il me proposa de m�apprendre
� jouer au billard. �C�est, dit-il, indispensable pour des soldats
comme nous. Je suppose, par exemple, qu�on arrive dans une petite
bourgade; que veux-tu qu�on y fasse? On ne peut pas toujours
rosser les juifs. Il faut bien, en d�finitive, aller � l�auberge
et jouer au billard, et pour jouer il faut savoir jouer.� Ces
raisons me convainquirent compl�tement, et je me mis � prendre ma
le�on avec beaucoup d�ardeur. Zourine m�encourageait � haute voix;
il s��tonnait de mes progr�s rapides, et, apr�s quelques le�ons,
il me proposa de jouer de l�argent, ne f�t-ce qu�une _groch_ (2
kopeks), non pour le gain, mais pour ne pas jouer pour rien, ce
qui �tait, d�apr�s lui, une fort mauvaise habitude. J�y consentis,
et Zourine fit apporter du punch; puis il me conseilla d�en
go�ter, r�p�tant toujours qu�il fallait m�habituer au service.
�Car, ajouta-t-il, quel service est-ce qu�un service sans punch?�
Je suivis son conseil. Nous continu�mes � jouer, et plus je
go�tais de mon verre, plus je devenais hardi. Je faisais voler les
billes par-dessus les bandes, je me f�chais, je disais des
impertinences au marqueur qui comptait les points, Dieu sait
comment; j��levais l�enjeu, enfin je me conduisais comme un petit
gar�on qui vient de prendre la clef des champs. De cette fa�on, le
temps passa tr�s vite. Enfin Zourine jeta un regard sur l�horloge,
posa sa queue et me d�clara que j�avais perdu cent roubles[10].
Cela me rendit fort confus; mon argent se trouvait dans les mains
de Sav�liitch. Je commen�ais � marmotter des excuses quand Zourine
me dit �Mais, mon Dieu, ne t�inqui�te pas; je puis attendre�.

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Books | Photos | Paul Mutton | Wed 8th Jan 2025, 5:12