Le conte futur by Paul Adam


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Page 8

--Les voyez-vous, mon officier. Ils sont � un mille � peine.... Le bois
de m�l�zes nous d�robe � leurs �claireurs. Nous les tenons.... Pour
charger!! Au galop!!... En avant....

Philippe sent son cheval bondir avec le commandement.... La b�te
remporte contre sa volont� h�sitante. Il voudrait crier: �Arri�re!...
tr�ve de meurtre!... mes camarades...� La b�te l'emporte dans la
galopade forcen�e du peloton. Elle l'emporte comme la force des choses,
la fatalit� de la vie, le rythme sup�rieur qui m�ne les hommes � la
douleur, � la mort, � Dieu.

Les talus passent, avec leurs saules �tron�onn�s, dont les branches
divergent ainsi que des bras ivres. La terre saute sous le fer des
chevaux. Les hommes soufflent de peur.... On n'arrivera jamais. On
arrivera trop t�t....

Le talus a cess�, et, devant eux, ce sont vingt pauvres rustres,
couverts de boue, pendus aux courroies d'un canon, que l'attelage tire
malais�ment dans le labour... Des t�tes effar�es et livides se tournent
vers les Guides.... Des hurlements incompr�hensibles s'�changent. Un
homme � cheval tire un coup de feu; la flamme semble jaillir de son
poing.... Le peloton s'enl�ve dans un �lan dernier, et va s'abattre sur
les mis�rables, dont les mains tremblantes ne trouvent plus les
g�chettes des carabines... �Halte!�

Philippe a cri�; les chevaux fl�chissent sous le coup de bride.... Et,
maintenant, il se trouve stupide dans le relatif silence, ne sachant
plus pourquoi il a command� cette halte... d'autant que les artilleurs
le couchent en joue... �La paix!� crie-t-il encore... et il continue
dans leur langage... �Nous aurions pu vous massacrer.... Mais le temps
est venu de l'amour.... Il ne faut plus se tuer.... Il ne faut plus se
tuer.... Nous ne voulons plus tuer, nous sommes fr�res... les pauvres
fr�res humains.... La paix! ne la voulez-vous pas?... Prenons la paix!
Aimons-nous!�

Sans doute, les ennemis crurent-ils qu'il annon�ait la bonne nouvelle
d'une paix r�elle, subitement conclue, car ils abaiss�rent leurs armes,
et puis ce fut un immense �clat de joie. Ils couraient les uns aux
autres et ils s'embrassaient. Les Guides se mirent � rire aussi, sans
savoir. L'adjudant piqua des deux et repartit vers le r�giment.

Philippe ne parlait plus.... Il pressait, entre ses doigts, la touffe de
lilas donn�e, � son d�part, par Francine et Philom�ne..., et il se
r�jouissait, en songeant qu'il venait d'agir selon leurs voeux de
bont�....

Il allait reprendre ses exhortations � l'amour, lorsqu'il s'aper�ut que
la troupe ennemie grossissait. Bient�t, ses Guides furent envelopp�s par
les uniformes verts et blancs des artilleurs. Il voulut s'expliquer,
mais un vieil officier survint... qui lui arracha son sabre.... Il
�tait prisonnier....

* * * * *

Par un dimanche, le dimanche qui suivit, au matin, dans le Fort, il
passa devant la maison du colonel-gouverneur. L'�panouissement des lilas
parait les murs d'une neige suspendue. Les soeurs �taient l� qui
l'attendaient � la grille. Francine fondit en pleurs, mais Philom�ne lui
parut radieuse. Sa beaut� grandie s'exaltait. Elle lui jeta une touffe
de lilas qu'elle avait contre ses l�vres. Un soldat de l'escorte la
ramassa et la lui remit. Il la porta vers sa bouche.... On descendit par
le chemin de ronde. Philom�ne l'appela du haut de la terrasse...
Pendant qu'il en longeait le mur, elle lui disait: �Je t'admire et je
t'adore, parce que tu as ouvert l'�re nouvelle de l'amour, et que ton
sang va la sanctifier...�

Philippe se sentait tout �bloui, en dedans, d'une gloire indicible. Il
se pla�a de lui-m�me devant le poteau et il effeuillait les lilas
pendant la lecture de l'arr�t de mort. Repris aux mains de l'ennemi, le
conseil de guerre le condamnait pour trahison.

--Vous n'avez rien � ajouter?

--Non.... J'ai pr�f�r� mourir � tuer... Me voici pr�t � subir... le
sort....

On s'�carta. Une minute, il embrassa du regard l'esplanade, le carr� des
troupes luisant sous le jeune soleil, et les douze ex�cuteurs qui
s'avan�aient. Au-dessus d'eux, sur la terrasse, Philom�ne se tenait
droite contre le ciel, ses mains en baiser.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 28th Apr 2025, 16:15