Le conte futur by Paul Adam


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Page 5

�Ah! ah! nous autres, pendant la campagne de l'Indus, nous mettions nos
Asiatiques au b�cher, les pieds en avant; et on les poussait dans le feu
� mesure que le bout se consumait.... Quels gaillards. Ils grima�aient
laidement, mais ils ne criaient pas...--Chez nous, dans la L�gion, on
leur coupait d'abord les tendons du pied avec un canif...--En Ethiopie,
nous menions nos prisonniers par vingt au fond des grottes. Devant, on
allumait du bois vert, et ils �ternuaient leur vie dans la fum�e... Tu
te le rappelles, Firmin?

�Quand le g�n�ral nous eut interdit de d�penser la poudre � fusiller les
Chinois, on les empilait dans les fosses des rizi�res et on cassait les
t�tes � coups de crosse de peur de fausser les ba�onnettes.... Leurs
cr�nes sortaient en rangs d'oignons.... Le premier m'a fait de la peine...
si jeune, n'est-ce pas, avec de beaux yeux orientaux qui
imploraient.... Quoi! la guerre, c'est la guerre. On ne pouvait les
emmener en avant, ni les laisser derri�re la colonne....--Et puis, quand
on entrait dans leurs villages, trouvait-on pas, piqu�es sur des
bambous, les t�tes des camarades surpris aux avant-postes? �a
ressemblait m�me aux doubles files des lampadaires sur les boulevards
de la ville. Seulement, les yeux des pauvres diables n'�clairaient plus
gu�re.--Tout �a, mes vieux bougres, �a ne vaut pas encore le coup du
commandant de Chaclos--Ah! Dieu de Dieu! mes enfants, j'y �tais: quelle
marmelade! Moi-m�me ai pos� la cartouche sous la pile du pont.... On les
a laiss�s s'engager, et quand ils y furent en bon nombre... le
commandant poussa le bouton de la batterie �lectrique.... Vlan! Le
paquet a saut�!

�On retrouvait des doigts, des nez qui se promenaient tout seuls � plus
de deux cents m�tres, et des yeux coll�s contre les arbres, entre les
morceaux de cervelle et des bouts de nerfs... et ces yeux-l� vous
regardaient.... C'�tait effrayant, mon cher, effrayant!... Du coup, ils
battirent en retraite, les survivants. Nous e�mes sans peine leurs
positions... et nous voil� ici, victorieux, le verre � la main.... On
dresse des arcs de triomphe. Le commandant a eu sa croix.... Vive la
guerre donc!... quand on en revient...�

...Francine qui tenait en ses mains une touffe de primev�res, les laissa
soudain tomber... et elle se passa les paumes sur les tempes comme pour
dissiper un cauchemar... Sans doute ne vit-elle pas le geste de M. de
Chaclos relevant les corolles �parses afin de les lui remettre, car elle
s'enfuit aussit�t; et, avant qu'elle e�t gagn� la porte, elle s'abattit
contre le sol avec des cris affreux, secou�e par la convulsion des
nerfs.

Durant la maladie qui suivit cette crise, la fillette subit des
hallucinations sinistres. Elle voyait dans la fi�vre se tracer en
images tangibles les souvenirs de guerre cont�s par les adjudants. On
dut �carter d'elle tout l'appareil militaire; les uniformes, les armes,
les gravures signalant la bravoure historique. Le son lointain du
tambour suffisait pour l'�vocation sanglante; et c'�tait une chose
horrible. Elle se dressait menue, hagarde, les mains ouvertes et tendues
pour repousser la hideur du r�ve... �Oh! disait-elle, que de pauvres
vies tranch�es... Le fleuve de sang saute les digues.... Les t�tes
roulent comme des boules.... Les doigts se crispent sur le sabre qui les
coupe... Oh! les yeux des mourants... les yeux! les yeux! les yeux!...
Le sang monte, monte... Il est � ma bouche... pouah!... il m'�trangle... je
ne veux pas...� Et elle retombait dans des crises....

Le mariage de Philom�ne se trouva retard� par l'�tat tr�s grave de la
petite soeur.... Elle ne la quitta plus. Son affection se fit m�me plus
fervente pour l'�tre que tous maudissaient. Le colonel entrait dans de
grandes fureurs o� il souhaitait la mort de cette triste enfant. Les
officiers de son entourage, bien qu'ils affectassent de l'indulgence et
de la piti�, parlaient sans aisance de ce d�lire qui fl�trissait leur
gloire.

D'ailleurs, la l�gende de la petite proph�tesse avait bient�t visit� les
imaginations des soldats; et ils en causaient tout bas dans les
chambr�es, avant le couvre-feu. Leurs courages allaient mollir. Dans les
rangs, � deux reprises, des recrues se r�volt�rent contre les
commandements; et on murmurait que l'heure viendrait bient�t o� les
hommes cesseraient d'apprendre l'art de tuer. On fondrait les canons
pour fabriquer des charrues. La fraternit� universelle ne tarderait plus
� s'�panouir.




III

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 28th Apr 2025, 0:41