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Page 45
Puis l'�cart entre leurs deux �ges. Tartarin a bien soixante ans;
il grisonne, il prend du corps. Elle, douze � quinze ans, au plus;
l'�ge de la petite Fleurance dans la chanson de chez nous:
_L'a prise si jeunette,_
_Ne sait se ceinturer._
Et c'est cette fillette, ce sauvageon des �les, que nous aurions
pour souveraine!
Depuis longtemps, j'avais not� certains indices. Ainsi les
indulgences du Gouverneur pour le p�re, ce vieux bandit de
N�gonko, qu'il invitait souvent � notre table, malgr� la
malpropret� de ce hideux gorille, mangeant avec ses doigts, se
gavant d'eau-de-vie jusqu'� rouler sous sa chaise.
Tartarin traitait tout cela de �bonne gaiet� cordiale�, et si la
petite princesse, � l'exemple de son p�re, se livrait � quelque
fantaisie bizarre � nous donner froid dans le dos � tous, notre
bon ma�tre souriait, la couvait d'un regard paternel qui demandait
gr�ce pour elle et disait:
�C'est une enfant...�
Tant bien, malgr� ces sympt�mes, d'autres plus probants encore, je
n'y voulais pas croire; mais le doute ne m'est plus permis.
_18_ _d�cembre. -- _Ce matin, au conseil, le Gouverneur s'est
ouvert � nous de son projet de mariage avec la petite princesse.
Il a pr�text� la politique, parl� d'un mariage de convenances, des
int�r�ts de la colonie: Port-Tarascon �tait isol�, perdu dans
l'Oc�an, sans alliances. En �pousant la fille d'un roi papoua, il
nous amenait une flotte, une arm�e.
Personne dans le conseil n'a fait d'objection.
Excourbani�s, le premier, s'est �lanc�, tr�pignant d'enthousiasme
�Bravo!... Parfait!... � quand la noce?... Ah! ah! ah!...� Ce
soir, en ville, qui sait ce qu'il va r�pandre d'infamies.
Cic�ron Franquebalme, par habitude, a d�vid� ses implacables
raisonnements sur le pour et sur le contre, �que si d'une part la
colonie..., il convient de dire que d'autre part..., toutefois et
quantes... _verum enim vero...�_, et finalement il s'est rang� �
l'opinion du Gouverneur.
Beaumevieille et Tournatoire ont embo�t� le pas derri�re lui.
Quant au P�re Bataillet, il semblait au fait de l'histoire, et n'a
pas protest�.
Le comique, c'�tait les figures hypocrites que nous avions tous,
feignant de croire aux int�r�ts coloniaux invoqu�s par Tartarin,
au milieu d'un grand silence approbateur.
Tout � coup ses bons yeux se sont mouill�s de larmes gaies, et il
nous a dit tr�s doucement:
�Et puis, voyez, mes amis, ce n'est pas tout �a..., moi je l'aime,
cette petite.� C'�tait si simple, si touchant, que nous avons eu
tous le coeur retourn�. �H�! faites donc, monsieur le Gouverneur,
faites donc� et on l'entourait, on lui serrait les mains.
_20_ _d�cembre. -- _Le projet du Gouverneur est tr�s discut� en
ville, moins s�v�rement jug� cependant que je n'aurais cru. Les
hommes en parlent gaiement, � la tarasconnaise, avec la pointe de
malice qu'on met chez nous aux choses de l'amour.
Les femmes sont g�n�ralement plus hostiles, le groupe de Mlle
Tournatoire surtout. Puisqu'il voulait se marier, pourquoi ne pas
choisir dans la nation? Beaucoup en parlant ainsi pensent � elles-
m�mes ou � leurs demoiselles.
Excourbani�s, venu en ville dans la soir�e, s'est mis du parti des
dames et montrait les c�t�s faibles du mariage: ce beau-p�re sans
tenue, ivrogne, cannibale; puis la fianc�e elle-m�me ayant selon
toute vraisemblance, mang� du Tarasconnais. Tartarin aurait d�
plus y r�fl�chir.
En entendant parler ce tra�tre, je sentais la col�re qui me
montait et je suis sorti du salon bien vite, tant j'avais peur de
lui envoyer un empl�tre dans la figure. On a le sang vif �
Tarascon, outre!
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