Jean Ziska by George Sand


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Page 1

Mon r�cit commence � la fin de ce fameux et scandaleux concile de
Constance, o� les b�chers de Jean Huss et de J�r�me de Prague vinrent
apporter un peu de distraction aux ennuis des v�n�rables p�res et des
pr�lats qui si�geaient dans la docte assembl�e. Ou sait qu'il s'agissait
d'avoir un pape au lieu de deux qui se disputaient fort scandaleusement
l'empire du monde spirituel. On r�ussite en avoir trois. La discussion
fut longue, fastidieuse. Les riches abb�s et les majestueux �v�ques
avaient bien l� leurs ma�tresses; Constance �tait devenu le rendez-vous
des plus belles et des plus opulentes courtisanes de l'univers; mais que
voulez-vous? On se lasse de tout. L'�glise de ce temps-l� n'�tait pas
n�e pour la volupt� seulement; elle sentait ses app�tits de domination
singuli�rement m�connus chez les nations remuantes et troubl�es: le
besoin d'un peu de vengeance se faisait naturellement sentir. Le grand
th�ologien Jean Gerson �tait venu l� de la part de l'Universit� de Paris
pour r�clamer la condamnation d'un de ses confr�res, le docteur Jean
Petit, lequel avait fait, peu d'ann�es auparavant, l'apologie de
l'assassinat du duc d'Orl�ans, sous la forme d'une th�se en faveur du
_tyrannicide_. Jean Petit �tait la cr�ature du meurtrier Jean-sans-Peur,
duc de Bourgogne; Jean Gerson, quoique d�vou� aux d'Orl�ans, �tait anim�
d'un sentiment plus noble en apparence. Il avait � coeur de d�fendre
l'honneur de l'Universit�, et de fl�trir les doctrines impies de
l'avocat sanguinaire. Il n'obtint pas justice; et voulant assouvir son
indignation sur quelqu'un, il s'acharna � la condamnation de Jean Huss,
le docteur de l'Universit� de Prague, le th�ologien de la Boh�me, le
repr�sentant des libert�s religieuses que cette nation revendiquait
depuis des si�cles.

A coup s�r, ce fut une �trange mani�re de prouver l'horreur du sang
r�pandu, que d'envoyer aux flammes un homme de bien pour une dissidence
d'opinion[1]; mais telle �tait la morale de ces temps; et il faut bien,
sans trop d'�pouvante, contempler courageusement le spectacle des
terribles maladies au milieu desquelles se d�veloppait la virilit�
de l'intelligence, retenue encore dans les liens d'une adolescence
fougueuse et aveugle. Sans cela nous ne comprendrons rien � l'histoire,
et d�s la premi�re page nous fermerons ce livre �crit avec du sang.
Ainsi, mes ch�res lectrices, point de faiblesse, et acceptez bien
ceci avant de regarder la sinistre figure de Jean Ziska: c'est qu'au
quinzi�me si�cle, pour ne parler que de celui-l�, rois, papes, �v�ques
et princes, peuple et soldats, barons et vilains, tous versaient le sang
comme aujourd'hui nous versons l'encre. Les nations les plus civilis�es
de l'Europe offraient un vaste champ de carnage, et la vie d'un homme
pesait si peu dans la main de son semblable, que ce n �tait pas la peine
d'en parler.

[Note 1: Soit d�go�t des affaires, soit remords de conscience, Jen
Gerson alla finir ses jours dans un couvent o� il �crivit l'_Imitation
de Jesus-Christ_, et plus tard la d�fense de Jeanne d'Arc. Voyez � cet
�gard l'excellente _Histoire de France_ de M. Henri Martin.]

Est-ce � dire que le sentiment du vrai, la notion du juste, fussent
inconnus aux hommes de ce temps? H�las! quand on regarde l'ensemble, on
est pr�t � dire que oui; mais quand on examine mieux les d�tails, on
retrouve bien dans cette divine cr�ation qu'on appelle l'humanit�,
l'effort constant de la v�rit� contre le mensonge, du juste contre
l'injuste. Les crimes, quoique innombrables, ne passent pas inaper�us.
Les contemporains qui nous en ont transmis le r�cit lugubre en g�missent
avec partialit�, il est vrai, mais avec �nergie. Chacun pleure ses
partisans et ses amis, chacun maudit et r�prouve les forfaits d'autrui;
mais chacun se venge, et le droit des repr�sailles semble �tre un droit
sacr� chez ces farouches chr�tiens qui ne croient pas au bienfait
terrestre de la mis�ricorde. On discute ardemment la justice des causes,
on n'examine jamais celle des moyens; cette derni�re notion ne semble
pas �tre �close. La philosophie que le dix-huiti�me si�cle a pr�ch�e
sous le nom de tol�rance, a �t� le premier �tendard lev� sur le monde
pour guider, vers la charit� chr�tienne les esprits du catholicisme.
Jusque-l� le catholicisme pr�che avec le bourreau � sa droite et le
confesseur � sa gauche, et alors m�me que la tol�rance s'efforce de
lui faire cong�dier le tourmenteur, le catholicisme r�siste, menace,
anath�matise, br�le les �crits de Jean-Jacques Rousseau, traite Voltaire
d'Ant�christ, et fait une scission �clatante, �ternelle peut-�tre avec
la philosophie.

Ainsi donc, au quinzi�me si�cle, la guerre, partout la guerre. La guerre
est le d�veloppement in�vitable de l'unit� sociale et de l'�ducation
religieuse. Sans la guerre, point de nationalit�, point de lumi�re
intellectuelle, pas une seule question qui puisse sortir des t�n�bres.
Pour �chapper � la barbarie, il faut que notre race lutte avec tous les
moyens de la barbarie. Le combat ou la mort, la lutte sanguinaire ou
le n�ant; c'est ainsi que la question est invinciblement pos�e.
Acceptez-la, ou vous ne trouvez dans l'histoire de l'humanit� qu'une
nuit profonde, dans l'oeuvre de la Providence que caprice et mensonge.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 27th Jul 2024, 4:14