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Page 19
--Le pis qui puisse nous arriver, observa flegmatiquement le Conscrit,
c'est de nous noyer dans un torrent ou de nous casser la t�te au fond
d'un pr�cipice. Or, rien ne pouvant m'emp�cher de partager le sort de
mon G�n�ral, je me dis: mourir ici ou ailleurs, il faut toujours finir
par l�.
Le lendemain, par un soleil radieux, nous enfourchons nos b�tes avec
l'ardent d�sir de vivre et, de visiter ce coin du monde presque
inexplor�, que son myst�re pare � nos yeux de couleurs magiques.
Maintenant la croupe d'argent du Djurjura �tincelle, et la lumi�re
enveloppe ses flancs comme un immense voile blanc. Le cavalier du
commandant est l�, fi�rement camp� sur son bon cheval arabe qui secoue
la crini�re et frappe du pied la terre. Nos bagages sont charg�s sur un
cinqui�me mulet. Pauvre b�te! il a la plus lourde charge; son ma�tre le
plaint, et les autres muletiers, tout en poursuivant de leurs lazzis
l'homme et l'animal, finissent par prendre � la main, celui-ci un sac de
nuit, celui-l� une petite valise, le troisi�me, un rouleau de
couvertures de voyage. Partons-nous? Partons-nous?
Voici le commandant � cheval qui descend au grand galop la rampe du
bordj. Il vient saluer madame Elvire; et quelques-uns des Kabyles qui
nous entourent, les vieux surtout, demeurent tout �bahis en voyant un
personnage si consid�rable t�moigner � une femme les marques du plus
profond respect.
Enfin, nous sommes en route, quelqu'un accourt: c'est notre jeune
Kabyle.
--Pourquoi ne voulez-vous pas m'emmener? dit-il. L'an dernier, un
Anglais de passage ici m'avait promis de me prendre pour domestique;
mais pendant que j'�tais all� embrasser mon p�re, il disparut et je ne
l'ai plus revu. Pour vous suivre et voir Paris, je donnerais la moiti�
de ma vie.
--Eh bien, lui r�pond tr�s-s�rieusement le Philosophe, je te chercherai
une place � Paris.
Avis � qui voudra se donner le luxe original d'un valet de chambre
kabyle: nous sommes en mesure de lui en fournir un. Ce jeune et beau
montagnard, amoureux de la France, nous souhaite un bon voyage d'un air
m�lancolique. Pour le consoler, je lui offre un cigare, et madame Elvire
lui met d�licatement entre les l�vres une pastille de chocolat.
A peine sortis de Tizi-Ouzou, nous quittons la route carrossable pour
prendre la traverse. Nous suivons l'Oued Sebaou dont le lit, tr�s-large
en cet endroit et presque partout � sec, se resserre sur notre gauche,
vers les gorges de Timizar-el-Robar [Les gorges des terrains friables.],
o� la rivi�re, en temps de crue, devient un torrent furieux. Sur notre
droite, resplendit le Djurjura, frapp� en plein par le soleil. Devant
nous sont les montagnes des A�th-Iraten, aux pieds desquelles coule un
affluent de l'Oued Sebaou, l'Oued A�ssi, peu profond, mais tr�s-rapide.
Nos mulets y entrent r�solument; ils le traversent sans encombre, ayant
de l'eau jusqu'au ventre, et en suivant d'instinct une direction oblique
contre le courant. Au milieu de jardins et de prairies o� il y a autant
de fleurs que de brins d'herbe, nous voyons les derniers gourbis en
torchis et en branchages. D�j� au sommet des premiers mamelons, nous
distinguons les murs blancs et les toits rouges des A�th-Irdjen.
La route que nous avons reprise, pr�s d'une ferme fran�aise abandonn�e
et en ruines, court entre des champs d'orge tout constell�s de
fleurettes jaunes qui �blouissent nos yeux comme de petites �toiles
d'or. Nos mulets foulent des g�raniums multicolores. Des arbres d'un
vert ardent et d'autres d'un vert tendre se pressent p�le-m�le sur les
flancs de la montagne; ce sont les principales richesses kabyles: les
figuiers et les oliviers. Nous faisons une courte halte devant un pauvre
taudis o� plusieurs hommes sont �tendus sur une natte en sparterie. Pr�s
de l�, une vieille femme maigre coupe de l'herbe sur le talus de la
route. Elle est couverte de guenilles et coiff�e d'une calotte rouge
d'o� s'�chappe une chevelure h�riss�e. Un homme d�charn�, son mari, sort
de la case; un burnous trou� cache mal sa nudit�. Il arrache quelques
branches au toit de sa demeure, puis retourne � l'int�rieur pour les
placer sur un feu de braise qui brille au fond d'un trou. Il se couche
par terre et souffle son feu dont la fum�e s'�chappe par la porte et par
les fissures.
--Quelle mis�re! dit madame Elvire attrist�e.
--C'est un caf� kabyle, Madame, lui r�pond le cavalier, il n'y en a pas
d'autre d'ici au fort, et tu n'en rencontreras pas un seul dans la
grande Kabylie.
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