Francia; Un bienfait n'est jamais perdu by George Sand


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Page 54

Th�odore �tait occup� aussi. Il apprenait avec Antoine l'�tat de
ferblantier. Il se conduisait bien, il se portait bien. L'enfant
malingre et d�bauch� devenait un gar�on mince, mais �nergique, actif et
intelligent.

Dans le _quartier,_ comme disaient Francia et son fr�re en parlant de
cette rue du Faubourg-Saint-Martin qui leur �tait une sorte de patrie
d'affection, on les remarquait tous deux, on admirait leur changement de
conduite, on leur savait gr� de s'�tre rang�s � temps, on leur faisait
bon accueil dans les boutiques et les ateliers. Moynet �tait fier de
sa fille adoptive et la pr�sentait avec orgueil � ceux de ses anciens
camarades aussi endommag�s que lui par la guerre, qui venaient boire
avec lui � toutes leurs gloires pass�es.

Dans sa joie de trinquer avec eux, il oubliait souvent de leur faire
payer leur d�pense. Aussi ne faisait-il pas fortune; mais il n'en �tait
que plus gai quand il leur disait en montrant Francia:

--En voil� une qui a souffert autant que nous, et qui nous fermera les
yeux!

Il s'abusait, le pauvre sergent. Il voyait sa fille adoptive embellir en
apparence: elle avait l'oeil brillant, les l�vres vermeilles; son teint
prenait de l'�clat. Le docteur Faure s'en inqui�tait, parce qu'il
remarquait une toux s�che presque continuelle et de l'irr�gularit�
dans la circulation. L'hiver qui suivit sa maladie, il constata qu'une
maladie plus lente et plus grave se d�clarait, et au printemps, il ne
douta plus qu'elle ne f�t phthisique. Il l'engagea � suspendre son
travail et � suivre, en qualit� de demoiselle de compagnie, une vieille
dame qui l'emm�nerait � la campagne.

--Non, docteur, lui r�pondit Francia, j'aime Paris, c'est � Paris que je
veux mourir.

--Qui te parle de mourir, ma pauvre enfant? O� prends-tu cette id�e-l�?

--Mon bon docteur, reprit-elle, je sens tr�s-bien que je m'en vais et
j'en suis contente. On n'aime bien qu'une fois, et j'ai aim� comme cela.
A pr�sent, je n'ai plus rien � esp�rer. Je suis tout � fait oubli�e. Il
ne m'a jamais �crit, il ne reviendra pas. On ne vit pourtant pas sans
aimer, et peut-�tre que, pour mon malheur, j'aimerais encore; mais ce
serait en pensant toujours � lui et en ne donnant pas tout mon coeur. Ce
serait mal, et �a finirait mal. J'aime bien mieux mourir jeune et ne pas
recommencer � souffrir!

Elle continua son travail en d�pit de tout, et le mal fit de rapides
progr�s.

Le 21 mars 1815, Paris �tait en f�te, Napol�on, rentr� la veille au soir
aux Tuileries, se montrait aux Parisiens dans une grande revue de ses
troupes, sur la place du Carrousel. Le peuple surpris, enivr�, croyait
prendre sa revanche sur l'�tranger. Moynet �tait comme fou; il courait
regarder, d�vorer des yeux son empereur, oubliant sa boutique et faisant
r�sonner avec orgueil sa jambe de bois sur le pav�. Il savait bien que
sa pauvre Francia �tait languissante, malade m�me, et ne pouvait venir
partager sa joie.

--Nous irons la voir ce soir, disait-il en s'appuyant sur le bras
d'Antoine, qu'il for�ait � marcher vite vers les Tuileries. Nous lui
conterons tout �a! Nous lui porterons le bouquet de lauriers et de
violettes que j'ai mis � mon enseigne!

Pendant qu'il faisait ce projet et criait _vive l'empereur!_ jusqu'�
compl�te extinction de voix, la pauvre Francia, assise dans le jardin de
l'h�pital Saint-Louis, s'�teignait dans les bras d'une des soeurs qui
croyait � un �vanouissement et s'effor�ait de la faire revenir. Quand
son fr�re accourut avec le docteur Faure, elle lui sourit � travers
l'effrayante contraction de ses traits, et, faisant un grand effort pour
parler, elle leur dit:

--Je suis contente; il est venu, il est l� avec ma m�re! il me l'a
ramen�e!

Elle se retourna sur le fauteuil ou on l'avait assise et sourit � des
figures imaginaires qui lui souriaient, puis elle respira fortement
comme une personne, qui se sent gu�rie: c'�tait le dernier souffle.

Un jour que l'on discutait la question du libre arbitre devant le
docteur Faure:

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 23rd Dec 2025, 14:57