Le portrait de monsieur W.H. by Oscar Wilde


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Page 74

En d'autres termes, l'opinion publique s'�vertue, en Angleterre, �
ligoter, g�ner, entraver l'homme qui fait des choses belles, qui
les ex�cute; mais elle force le journaliste � vendre au d�tail,
des objets de nature laide, repoussante, r�voltante, si bien que
chez nous on trouve les journalistes les plus s�rieux et les
journaux les plus ind�cents.

Ce n'est point exag�rer que de dire: elle force.

Il se peut qu'il y ait des journalistes qui prennent un r�el
plaisir � publier des choses horribles, ou qui, �tant pauvres,
consid�rent le scandale comme une sorte de base solide pour se
faire des rentes. Mais il y a, j'en suis certain, d'autres
journalistes qui sont des hommes bien �lev�s, des gens cultiv�s,
qui �prouvent une r�elle r�pugnance � publier de telles choses;
ils savent qu'il est mal d'agir ainsi, et ils le font, parce que
l'�tat de choses malsain au milieu duquel s'exerce leur
profession, les oblige � fournir au public ce que le public
demande, � rivaliser avec d'autres journalistes pour livrer cette
marchandise en quantit�, en qualit� correspondantes autant que
possible, au grossier app�tit des masses. Il est tr�s humiliant
pour une classe d'hommes bien �lev�s, de se trouver dans une
situation pareille, et je suis convaincu que la plupart d'entre
eux en souffrent cruellement.

Mais laissons de c�t� cet aspect v�ritablement honteux du sujet,
et revenons � la question de l'influence populaire sur les choses
d'art, je veux dire par l� celle o� l'on voit l'opinion publique
dictant � l'artiste la forme qu'il doit employer, le mode qu'il
adoptera, le choix des mat�riaux qu'il mettra en oeuvre.

J'ai fait remarquer que les arts qui sont rest�s le plus indemnes
en Angleterre sont les arts auxquels le public ne prenait aucun
int�r�t.

Il s'int�resse n�anmoins au drame, et comme en ces dix ou quinze
derni�res ann�es, il s'est accompli un certain progr�s dans le
drame, il est important de rappeler que ce progr�s est d�
uniquement � ce que quelques artistes originaux se sont refus�s �
prendre pour guide le d�faut de go�t du public, se sont refus�s �
consid�rer l'art comme une simple affaire d'offre et de demande.

Poss�dant une vive, une merveilleuse personnalit�, un style qui
contient une v�ritable puissance de couleur; et avec cela une
extraordinaire facult� non seulement de reproduire les jeux de
physionomie, mais encore d'imaginer, de cr�er par l'intelligence,
M. Irving, s'il s'�tait propos� pour but unique de donner au
public ce que celui-ci voulait, e�t pu pr�senter les pi�ces les
plus banales de la mani�re la plus banale, avoir aussi autant de
succ�s, autant d'argent qu'un homme en peut souhaiter, mais il
avait autre chose en vue. Il voulait r�aliser sa propre
personnalit� en tant qu'artiste, dans des conditions donn�es, et
dans certaines formes de l'art. Tout d'abord, il fit appel au
petit nombre. Maintenant il a fait l'�ducation du grand nombre. Il
a cr�� dans le public � la fois le go�t et le temp�rament.

Le public appr�cie immens�ment son succ�s artistique. N�anmoins je
me suis souvent demand� si le public comprend que ce succ�s est
enti�rement d� au fait qu'Irving a refus� d'accepter son
criterium, et qu'il y a substitu� le sien. Avec le go�t du public,
le Lyceum eut �t� une boutique de second ordre, telle que le sont
actuellement la plupart des th��tres populaires de Londres. Mais
qu'on l'ait compris ou non, un fait reste acquis, que le go�t et
le temp�rament ont �t� jusqu'� un certain point cr��s dans le
public, que le public est capable de produire ces qualit�s.

D�s lors le probl�me se pose ainsi: Pourquoi le public ne se
civilise-t-il pas davantage? Il en poss�de la facult�; qu'est-ce
qui l'arr�te?

Ce qui l'arr�te, il faut le redire, c'est son d�sir d'imposer son
autorit� � l'artiste et aux oeuvres d'art.

Il est des th��tres, comme le Lyceum, comme Haymarket, o� le
public semble arriver avec des dispositions favorables. Dans ces
deux th��tres, il y a eu des artistes originaux, qui ont r�ussi �
cr�er dans leur auditoire - et chaque th��tre de Londres a son
auditoire - le temp�rament auquel s'adapte l'Art.

Et qu'est-ce que ce temp�rament-l�? C'est un temp�rament r�ceptif.
Voil� tout.

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Books | Photos | Paul Mutton | Thu 25th Dec 2025, 23:37