Le portrait de monsieur W.H. by Oscar Wilde


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Page 17

_Il employait � ses artifices une masse de mati�re subtile �
laquelle il donnait les formes les plus �tranges: rougeurs
enflamm�es, flots de larmes, p�leurs d�faillantes; il prenait, il
quittait tous les visages, pouvant, au gr� de ses perfidies,
rougir � d'impurs propos, pleurer de douleur ou devenir blanc et
s'�vanouir avec des mines tragiques._

_De m�me au bout de sa langue dominatrice, toutes sortes
d'arguments et de questions profondes, de promptes r�pliques et de
fortes raisons dormaient et s'�veillaient sans cesse � son
service. Pour faire rire le pleureur et pleurer le rieur, il avait
une langue et une �loquence vari�e, attrapant toutes les passions
au pi�ge de son caprice._

Un jour, je crus avoir r�ellement trouv� Willie Hughes dans la
litt�rature de l'�poque d'Elisabeth.

Dans un merveilleux r�cit des derniers jours du grand comte
d'Essex, son chapelain Thomas Knell nous dit que, la nuit qui
pr�c�da sa mort, le comte

_appela William Hewes qui �tait son musicien pour jouer sur le
virginal et chanter. _�- _Joue, lui dit-il, mon chant, Will
Hewes, et je chanterai moi-m�me.�_ _Ainsi fit-il tr�s ga�ment, non
comme le cygne plaintif qui encore d�daigneux pleure sa mort, mais
comme une douce alouette qui levant ses ailes et jetant ses yeux
vers Dieu, monte vers les nues cristallines et atteint de sa
langue intarissable les sommets des cieux altiers._

S�rement le gar�on, qui joua sur le virginal, aux derni�res heures
de la vie du p�re de Stella Sydney, n'�tait autre que le Will
Hewes, � qui Shakespeare d�dia les _Sonnets _et dont il nous dit
qu'il �tait une douce musique pour un auditeur.

Pourtant, lord Essex mourut en 1576 quand Shakespeare lui-m�me
n'avait que douze ans: il �tait donc impossible que son musicien
f�t le monsieur W. H. des _Sonnets._

Peut-�tre le jeune ami de Shakespeare �tait-il le fils de celui
qui jouait du virginal.

C'�tait, du moins, quelque chose d'avoir d�couvert que Will Hewes
�tait un nom de l'�poque d'Elisabeth.

Vraiment le nom de Hewes semble exactement li� � la musique et �
la po�sie. La premi�re actrice anglaise fut la d�licieuse Margaret
Hewes dont le prince Rupert fut si �perdument amoureux. Quoi de
plus probable qu'entre elle et le musicien de lord Essex il y ait
eu le jeune acteur des pi�ces de Shakespeare!

Mais les preuves, le t�moin, o� �taient-ils? H�las!... je ne pus
les trouver. Il me semblait que j'�tais toujours � la veille de la
v�rification d�finitive, mais que je ne pouvais jamais y arriver.

De la vie de Willie Hughes, je passai bien vite � la pens�e de sa
mort. J'�tais curieux de savoir quelle avait �t� sa fin.

Peut-�tre �tait-il un de ces acteurs anglais qui, en 1604,
pass�rent en Allemagne et jou�rent devant le grand duc Henry-
Julius de Brunswick[22], lui-m�me dramaturge de valeur, et � la
cour de cet �trange �lecteur de Brandebourg qui �tait si amourach�
de beaut� qu'on a dit qu'il acheta � son poids d'ambre le jeune
fils d'un marchand ambulant grec et qu'il donna, en l'honneur de
son esclave, des f�tes durant toute cette terrible ann�e de famine
1606-1607, quand le peuple mourait de faim dans les rues de la
ville et que, depuis sept mois, il n'�tait pas tomb� une goutte de
pluie.

Enfin, nous savons que _Rom�o et Juliette _fut jou� � Dresde en
1613, c�te � c�te avec _Hamlet _et le _Roi Lear, _et ce n'est
s�rement pas � un autre que Willie Hughes que fut, en 1615, remis
le masque moul� sur la t�te de Shakespeare mort, par la main de
quelqu'un de la suite de l'ambassadeur d'Angleterre, - faible
souvenir du grand po�te qui l'avait si tendrement aim�.

Vraiment, il y avait quelque chose de v�ritablement captivant dans
l'id�e que le jeune acteur, dont la beaut� avait un �l�ment vital
dans le r�alisme et le romantisme de l'art de Shakespeare, avait
�t� le premier � porter en Allemagne la semence de la nouvelle
civilisation et s'�tait trouv�, dans cette voie, le pr�curseur de
cette _aufklarung, _ou illumination, du XVIIIe si�cle, ce
splendide mouvement qui, bien que, initi� par Lessing et Herder et
port� � son plein et � sa perfection par Goethe, ne fut pas pour
une petite part aid� par un autre acteur, Friedrich Schroeder, qui
r�veilla la conscience populaire et, au m�pris des passions
feintes et des m�thodes mimiques de la sc�ne, montra le lien
intime et vital entre la vie et la litt�rature.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 20th Dec 2025, 11:39