L'influence d'un livre by Philippe Aubert de Gaspé


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Page 5



CHAPITRE TROISI�ME

Le meurtre

Et c'est le meurtre qui vient, froidement m�dit�,
Flairer ta gorge nue et t'ouvrir le c�t�.

BERTAUD.

Murder, most foul.

SHAKESPEARE.

Je con�ois bien que l'Espagnol vindicatif attende son ennemi au
d�tour sombre d'une for�t et lui plonge son poignard dans le coeur;
que le Corse sauvage attende sur le haut d'un ravin l'objet de sa
_vendetta_, et, d'un coup de sa carabine, l'�tende � ses pieds; que
l'imp�tueuse Italienne porte un stylet � sa jarreti�re et perce le
sein d'un amant infid�le; il y a quelque chose de grandiose dans leur
action; le premier appelle sa vengeance �le plaisir des Dieux� et dit
avec le po�te anglais que �c'est une vertu�. Le second a une dette
sacr�e � payer: son p�re peut-�tre la lui a laiss�e! La troisi�me
a son excuse dans la passion la plus puissante du coeur humain!
l'amour, source de tant d'erreurs. Elle ne con�oit pas qu'on puisse
aimer et supporter de l'indiff�rence; elle veut que le jeune Anglais,
aux cheveux blonds, boive la coupe des passions, comme elle, fille du
Midi � la longue chevelure noire, � l'�me de feu!... Mais ce que je
ne puis concevoir et ce qui r�pugne � la raison, c'est qu'un �tre,
auquel on ne peut refuser le nom d'homme, puisse s'abreuver du sang
de son semblable pour un peu d'or...

Sur les bords de la charmante rivi�re des Trois-Saumons est une jolie
maison de campagne peinte en rouge qui touche, au c�t� sud, � la voie
publique et, au c�t� nord, au fleuve Saint-Laurent; les arbres qui
la couvrent de leur feuillage, sur le devant, invitent maintenant
le voyageur fatigu� � se reposer; car c'est � pr�sent une auberge.
Autrefois ce fut la demeure d'un assassin, et ses murs, maintenant
si propres et si blancs, ont �t� rougis du sang du malheureux qu'un
destin fatal avait conduit sous son toit.

Au temps dont je parle, elle �tait occup�e par Joseph Lepage, homme
chez lequel deux passions seulement s'�taient concentr�es; l'une qui
n'a de nom que chez la brute, et l'autre, celle du tigre: la soif du
sang. Il pouvait, comme la tigresse d'Afrique, se reposer pr�s du
cadavre qu'il avait �tendu � ses pieds et contempler de son oeil
sanglant sa victime encore palpitante.

Qui pourrait peindre cette mal�diction de Dieu incarn�e? Personne...
Essayons au moins d'en donner une faible esquisse. Cet homme
�tait d'une taille et d'une force prodigieuses: il e�t �t� bien
proportionn� sans son immense poitrine; son front �tait large et
pro�minent et deux sourcils �pais couvraient deux os d'une grandeur
d�mesur�e sous lesquels �taient ensevelis, dans leur orbite creuse,
ses yeux sombres et �tincelants. Son nez aquilin couvrait une bouche
bien fendue sur laquelle errait sans cesse un sourire de bagne, ce
sourire qu'on ne voit gu�re que sur le si�ge des pr�venus, qui les
abandonne d�s qu'ils entrent au cachot et qu'ils reprennent lorsque
les prisons les revomissent au sein de la soci�t�. Deux protub�rances
qu'il avait derri�re les oreilles l'auraient fait condamner sans
t�moins par un juge phr�nologiste. Ses mani�res, quoique engageantes,
inspiraient la d�fiance; et l'enfance m�me qu'il cherchait � capturer
s'enfuyait � sa vue.

Il �tait assis sur le seuil de sa porte, v�tu d'une longue robe de
chambre, le 6 septembre 182--, lorsqu'un colporteur s'approcha de
lui pour lui demander s'il d�sirait acheter quelques marchandises. Il
se leva aussit�t et le pria d'entrer, apr�s l'avoir fait asseoir et
invit� � se rafra�chir; il l'engagea, vu que le soleil �tait bient�t
pr�s de se coucher, � passer la nuit chez lui. Le jeune homme, qui
s'appelait Guillemette, refusa d'abord; mais celui-ci ayant fait
observer qu'il y avait beaucoup de chasse aux environs et lui ayant
offert un fusil, il se d�cida � rester et accepta ses offres. Il prit
le fusil et sortit accompagn� de son h�te. Ils aper�urent un jeune
homme, en habit de voyageur, qui venait � eux et qui s'arr�ta
lorsqu'il les eut joints.

Le nouvel arriv� �tait d'un belle taille et sa mise tr�s recherch�e;
les traits de son visage, d'une beaut� rare, annon�aient la fatigue
jointe � une m�lancolie habituelle. Il salua le compagnon de Lepage
qui, le reconnaissant, lui rendit son salut, en lui disant:--Vous
paraissez fatigu� M. de St-C�ran; venez-vous de loin?

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Books | Photos | Paul Mutton | Fri 10th Jan 2025, 1:17