Teverino by George Sand


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Page 47

--Bah! bah! c'est un petit enfant, seigneur abb�, reprit l'h�te, et
personne encore n'y fait attention.

--Monsieur l'h�te, dit Sabina, je vous prie de faire mettre un lit dans
la chambre de ma n�gresse; Madeleine couchera aupr�s d'elle. Je me suis
fait suivre de cette enfant qui nous a divertis de ses talents, et je
r�ponds de sa s�curit�.

--Du moment que Votre Altesse daigne s'y int�resser, reprit l'h�te, tout
sera fait ainsi qu'elle le commande. Nous l'aimons tous, cette petite:
elle est magicienne aux trois quarts! Dois-je donc lui mettre son
couvert � cette table?

--Eh bien! oui, r�pondit lady G..., curieuse de voir en face et aux
lumi�res, quels progr�s avait fait l'intimit� de l'oiseli�re et du
marquis. Mais elle fut tromp�e dans son attente: ces deux personnages
semblaient �tre redevenus �trangers l'un � l'autre. Madeleine �tait
chastement famili�re avec L�once et respectueusement calme aupr�s de
Teverino. Ce dernier, qui faisait les honneurs de la table avec une
aisance merveilleuse, s'occupait d'elle avec une sorte de bont�
paternelle et protectrice, qui faisait ressortir la bienveillance de
son caract�re sans rien �ter aux convenances de son r�le. Sabina pensa
bient�t qu'elle s'�tait tromp�e, et le cur� lui-m�me n'eut rien
� reprendre aux mani�res du beau marquis. Il fut plut�t port� �
s'effaroucher un peu de l'affection que L�once t�moignait � cette
_petite sotte_, qui riait avec lui et paraissait le charmer par ses
na�vet�s enjou�es. Mais l'app�tit du bourru �tait si terrible et les
d�lices de la r�fection si puissantes, qu'au moment o� il e�t pu
redevenir clairvoyant et grondeur, Madeleine avait quitt� la table et
s'�tait assoupie, avec l'insouciance de son �ge, sur le grand sofa
qui, dans toutes les auberges de cette contr�e, d�core la salle des
voyageurs. De temps en temps, L�once, plac� non loin de ce sofa, se
retournait et la contemplait, admirant ce repos de l'innocence, cette
pose facile, et cette expression ang�lique, qui n'appartiennent qu'au
jeune �ge.

On �tait au dessert, et le marquis, exclusivement occup� de lady G...,
parlait sur toutes choses avec un esprit sup�rieur; du moins c'�tait
un genre de sup�riorit� que les femmes peuvent appr�cier: plus
d'imagination que de science, une originalit� po�tique, une sensibilit�
exalt�e. Sabina retomba peu � peu sous le charme de sa parole et de son
regard. Le cur� remplissait l'office de contradicteur, comme s'il e�t eu
� coeur de faire briller l'�loquence du jeune homme, et de lui fournir
des armes contre la froideur dogmatique et les pr�jug�s �troits du monde
officiel. L�once, voyant avec humeur l'animation de son amie, prit son
album, l'ouvrit, et se mit � esquisser la figure de l'oiseli�re, sans se
m�ler � la conversation. Toute femme du monde est n�e jalouse, et
Sabina avait �t� si justement adul�e pour sa beaut� incomparable et son
brillant esprit, que l'attention accord�e � toute autre cr�ature de
son sexe, en sa pr�sence, devait infailliblement lui sembler une sorte
d'outrage. Habile � dissimuler ses mouvements int�rieurs, elle ne les
exprimait que sous forme de plaisanterie; mais ils produisaient en elle
un besoin de vengeance imm�diate, et la vengeance de la coquetterie, en
pareil cas, c'est de chercher ailleurs des hommages, et d'en prendre un
plaisir proportionn� � l'affront. Elle s'abandonna donc tout � coup
aux s�ductions de Teverino, et ne put s'emp�cher de le faire sentir �
L�once, oublieuse de la honte qu'elle avait �prouv�e alors que Teverino
semblait occup� de Madeleine.

L�once, qui comprenait parfaitement ce jeu cruel, et qui avait par
instants la faiblesse d'en �tre atteint, voulut avoir la force de le
m�priser; mais en se servant des m�mes armes, il s'exposa fort � �tre
vaincu. Il affecta une si grande admiration pour son mod�le et une
attention si fervente � son travail, qu'il paraissait sourd et aveugle �
tout le reste.

--L�once, lui dit Sabina en se penchant sur son ouvrage, je suis s�re
que vous nous faites un chef-d'oeuvre, car jamais vous n'avez eu l'air
si inspir�.

--Jamais je n'ai vu rien de plus charmant que cette dormeuse de quatorze
ans, r�pondit-il; le bel �ge! quel moelleux dans les mouvements! quel
s�r�nit� dans l'immobilit� des traits! Admirez, vous autres qui �tes
artistes aussi par le sentiment et l'intelligence, et convenez qu'aucune
beaut� de convention, aucune femme du monde ne pourrait se montrer aussi
suave et aussi pure dans le sommeil.

--Je suis compl�tement de votre avis, r�pondit Sabina d'un ton de
d�sint�ressement admirable, et je gage que c'est aussi l'avis du
marquis.

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Books | Photos | Paul Mutton | Mon 22nd Dec 2025, 19:28