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Page 4
— Et pourquoi pas, puisque ce mouvement modifie le parallélisme de l’axe de
notre sphéroïde? fit observer le _Hamburger-Correspondent_.
— En effet, répondit la _Revue Scientifique_, de Paris. Adhémar n’a-t-il pas
avancé dans son livre sur _Les révolutions de la mer_, que la précession des
équinoxes, combinée avec le mouvement séculaire du grand axe de l’orbite
terrestre, serait de nature à apporter une modification à longue période dans
la température moyenne des différents points de la Terre et dans les quantités
de glaces accumulées à ses deux Pôles?
— Cela n’est pas certain, répliqua la _Revue d’Édimbourg_. Et, lors même que
cela serait, ne faut-il pas un laps de douze mille ans pour que Véga devienne
notre étoile polaire par suite dudit phénomène, et que la situation des
territoires arctiques soit changée au point de vue climatérique?
— Eh bien, riposta le _Dagblad_, de Copenhague, dans douze mille ans, il sera
temps de verser les fonds. Mais, avant cette époque, risquer un « krone »,
jamais! »
Toutefois, s’il était possible que la _Revue Scientifique_ eût raison avec
Adhémar, il était bien probable que la _North Polar Practical Association_
n’avait jamais compté sur cette modification due à la précession des équinoxes.
En fait, personne n’arrivait à savoir ce que signifiait cette clause du fameux
document, ni quel changement cosmique elle visait dans l’avenir.
Pour le savoir, peut-être eût-il suffi de s’adresser au Conseil
d’administration de la nouvelle Société, et plus spécialement à son président.
Mais le président, inconnu! Inconnus, également, le secrétaire et les membres
dudit Conseil. On ignorait même de qui émanait le document. Il avait été
apporté aux bureaux du _New-York Herald_ par un certain William S. Forster, de
Baltimore, honorable consignataire de morues pour le compte de la maison
Ardrinell and Co, de Terre-Neuve évidemment un homme de paille. Aussi muet
sur ce sujet que les produits consignés dans ses magasins, ni les plus curieux
ni les plus adroits reporters n’en purent jamais rien tirer. Bref, cette _North
Polar Practical Association_ était tellement anonyme qu’on ne pouvait mettre en
avant aucun nom. C’est bien là le dernier mot de l’anonymat.
Cependant, si les promoteurs de cette opération industrielle persistaient à
maintenir leur personnalité dans un absolu mystère, leur but était aussi
nettement que clairement indiqué par le document porté à la connaissance du
public des deux Mondes.
En effet, il s’agissait bien d’acquérir en toute propriété la partie des
régions arctiques, délimitée circulairement par le quatre-vingt-quatrième degré
de latitude, et dont le Pôle nord occupe le point central.
Rien de plus exact, d’ailleurs, que parmi les découvreurs modernes, ceux qui
s’étaient le plus rapprochés de ce point inaccessible, Parry, Marckham,
Lockwood et Brainard, fussent restés en deçà de ce parallèle. Quant aux autres
navigateurs des mers boréales, ils s’étaient arrêtés à des latitudes
sensiblement inférieures, tels : Payez, en 1874, par 82°15’, au nord de la
terre François-Joseph et de la Nouvelle-Zemble; Leout, en 1870, par 72°47’,
au-dessus de la Sibérie; De Long, dans l’expédition de la _Jeannette_, en 1879,
par 78°45’, sur les parages des îles qui portent son nom. Les autres, dépassant
la Nouvelle-Sibérie et le Groënland, à la hauteur du cap Bismarck, n’avaient
pas franchi les soixante-seizième, soixante-dix-septième et
soixante-dix-neuvième degrés de latitude. Donc, en laissant un écart de
vingt-cinq minutes d’arc, entre le point soit 83°35’ où Lockwood et
Brainard avaient mis le pied, et le quatre-vingt-quatrième parallèle, ainsi que
l’indiquait le document, la _North Polar Practical Association_ n’empiétait pas
sur les découvertes antérieures. Son projet comprenait un terrain absolument
vierge de toute empreinte humaine.
Voici quelle est l’étendue de cette portion du globe, circonscrite par le
quatre-vingt-quatrième parallèle :
De 84° à 90°, on compte six degrés, lesquels, à soixante milles chaque, donnent
un rayon de trois cent soixante milles et un diamètre de sept cent vingt
milles. La circonférence est donc de deux mille deux cent soixante milles, et
la surface de quatre cent sept mille milles carrés en chiffres ronds. [Note 1:
Soit 70 650 lieues carrées de 25 au degré, c’est-à-dire un peu plus de deux
fois la surface de la France, qui est de 54 000 000 d’hectares.]
C’était à peu près la dixième partie de l’Europe entière un morceau de belle
dimension!
Le document, on l’a vu, posait aussi en principe que ces régions, non encore
reconnues géographiquement, n’appartenant à personne, appartenaient à tout le
monde. Que la plupart des Puissances ne songeassent point à rien revendiquer de
ce chef, c’était supposable. Mais il était à prévoir que les États limitrophes
du moins voudraient considérer ces régions comme le prolongement de leurs
possessions vers le nord et, par conséquent, se prévaudraient d’un droit de
propriété. Et, d’ailleurs, leurs prétentions seraient d’autant mieux justifiées
que les découvertes, opérées dans l’ensemble des contrées arctiques, avaient
été plus particulièrement dues à l’audace de leurs nationaux. Aussi le
gouvernement fédéral, représenté par la nouvelle Société, les mettait-il en
demeure de faire valoir leurs droits, et prétendait-il les indemniser avec le
prix de l’acquisition. Quoi qu’il en fût, les partisans de la _North Polar
Practical Association_ ne cessaient de le répéter : la propriété était
indivise, et, personne n’étant forcé de demeurer dans l’indivision, nul ne
pourrait s’opposer à la licitation de ce vaste domaine.
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