Sans dessus dessous by Jules Verne


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Page 2

Aux États-Unis, il n’est de projet si audacieux ­ ou même à peu près
irréalisable ­ qui ne trouve des gens pour en dégager les côtés pratiques et
des capitaux pour les mettre en oeuvre. On l’avait bien vu, quelques années
auparavant, lorsque le Gun-Club de Baltimore s’était donné la tâche d’envoyer
un projectile jusqu’à la Lune, dans l’espoir d’obtenir une communication
directe avec notre satellite. Or n’étaient-ce pas ces entreprenants Yankees,
qui avaient fourni les plus grosses sommes nécessitées par cette intéressante
tentative? Et, si elle fut réalisée, n’est-ce pas grâce à deux des membres
dudit club, qui osèrent affronter les risques de cette surhumaine expérience?

Qu’un Lesseps propose quelque jour de creuser un canal à grande section à
travers l’Europe et l’Asie, depuis les rives de l’Atlantique jusqu’aux mers de
la Chine, ­ qu’un puisatier de génie offre de forer la terre pour atteindre les
couches de silicates qui s’y trouvent à l’état fluide, au-dessus de la fonte en
fusion, afin de puiser au foyer même du feu central, ­ qu’un entreprenant
électricien veuille réunir les courants disséminés à la surface du globe, pour
en former une inépuisable source de chaleur et de lumière, ­ qu’un hardi
ingénieur ait l’idée d’emmagasiner dans de vastes récepteurs l’excès des
températures estivales pour le restituer pendant l’hiver aux zones éprouvées
par le froid, ­ qu’un hydraulicien hors ligne essaie d’utiliser la force vive
des marées pour produire à volonté de la chaleur ou du travail ­ que des
sociétés anonymes ou en commandite se fondent pour mener à bonne fin cent
projets de cette sorte! ­ ce sont les Américains que l’on trouvera en tête des
souscripteurs, et des rivières de dollars se précipiteront dans les caisses
sociales, comme les grands fleuves du Nord-Amérique vont s’absorber au sein des
océans.

Il est donc naturel d’admettre que l’opinion fût singulièrement surexcitée,
lorsque se répandit cette nouvelle ­ au moins étrange ­ que les contrées
arctiques allaient être mises en adjudication au profit du dernier et plus fort
enchérisseur. D’ailleurs, aucune souscription publique n’était ouverte en vue
de cette acquisition, dont les capitaux étaient faits d’avance. On verrait plus
tard, lorsqu’il s’agirait d’utiliser le domaine, devenu la propriété des
nouveaux acquéreurs.

Utiliser le territoire arctique!… En vérité cela n’avait pu germer que dans des
cervelles de fous!

Rien de plus sérieux que ce projet, cependant.

En effet, un document fut adressé aux journaux des deux continents, aux
feuilles européennes, africaines, océaniennes, asiatiques, en même temps qu’aux
feuilles américaines. Il concluait à une demande d’enquête de commodo et
incommodo de la part des intéressés. Le New-York Herald avait eu la primeur de
ce document. Aussi, les innombrables abonnés de Gordon Bennett purent-ils lire
dans le numéro du 7 novembre la communication suivante ­ communication qui
courut rapidement à travers le monde savant et industriel, où elle fut
appréciée de façons bien diverses.

« Avis aux habitants du globe terrestre,

« Les régions du Pôle nord, situées à l’intérieur du quatre-vingt-quatrième
degré de latitude septentrionale, n’ont pas encore pu être mises en
exploitation par l’excellente raison qu’elles n’ont pas été découvertes.

« En effet, les points extrêmes, relevés par les navigateurs, de nationalités
différentes, sont les suivants en latitude :

« 82°45’, atteint par l’Anglais Parry, en juillet 1847 sur le vingt-huitième
méridien ouest, dans le nord du Spitzberg;

« 83°20’28”, atteint par Markham, de l’expédition anglaise de sir John Georges
Nares, en mai 1876, sur le cinquantième méridien ouest dans le nord de la terre
de Grinnel;

« 83°35’, atteint par Lockwood et Brainard, de l’expédition américaine du
lieutenant Greely, en mai 1882, sur le quarante-deuxième méridien ouest, dans
le nord de la terre de Nares.

« On peut donc considérer la région qui s’étend depuis le
quatre-vingt-quatrième parallèle jusqu’au Pôle, sur un espace de six degrés,
comme un domaine indivis entre les divers États du globe, et essentiellement
susceptible de se transformer en propriété privée, après adjudication publique.

« Or, d’après les principes du droit, nul n’est tenu de demeurer dans
l’indivision. Aussi les États-Unis d’Amérique, s’appuyant sur ces principes,
ont-ils résolu de provoquer l’aliénation de ce domaine.

« Une société s’est fondée à Baltimore, sous la raison sociale _North Polar
Practical Association_, représentant officiellement la confédération
américaine. Cette société se propose d’acquérir ladite région, suivant acte
régulièrement dressé, qui lui constituera un droit absolu de propriété sur les
continents, îles, îlots, rochers, mers, lacs, fleuves, rivières et cours d’eau
généralement quelconques, dont se compose actuellement l’immeuble arctique,
soit que d’éternelles glaces le recouvrent, soit que ces glaces s’en dégagent
pendant la saison d’été.

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Books | Photos | Paul Mutton | Tue 7th Jan 2025, 1:07