La mort de César by Voltaire


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Page 2

C�SAR.

Il n'est plus temps, ami de cacher l'amertume
Dont mon coeur paternel en secret se consume,
Octave n'est mon sang qu'� la faveur des loix;
Je l'ai nomm� C�sar, il est fils de mon choix.
Le destin, dois-je dire ou propice ou s�v�re,
D'un v�ritable fils en effet m'a fait p�re,
D'un fils que je ch�ris; mais qui, pour mon malheur,
A ma tendre amiti� r�pond avec horreur.

ANTOINE.

Et quel est cet enfant? Quel ingrat peut-il �tre
Si peu digne du sang dont les dieux l'ont fait na�tre?

C�SAR.

�coute: tu connais ce malheureux Brutus,
Dont Caton cultiva les farouches vertus;
De nos antiques loix ce d�fenseur aust�re,
Ce rigide ennemi du pouvoir arbitraire,
Qui toujours contre moi les armes � la main,
De tous mes ennemis a suivi le destin;
Qui fut mon prisonnier aux champs de Thessalie,
A qui j'ai, malgr� lui, deux fois sauv� la vie,
N�, nourri loin de moi chez mes fiers ennemis.

ANTOINE.

Brutus! il se pourroit....

C�SAR.

Ne m'en crois pas. Tiens, lis.

ANTOINE.

Dieux! la soeur de Caton, la fi�re Servilie!

C�SAR.

Par un hymen secret elle me fut unie.
Ce farouche Caton, dans nos premiers d�bats,
La fit presqu'� mes yeux passer en d'autres bras.
Mais le jour qui forma ce second hym�n�e,
De son nouvel �poux trancha la destin�e.
Sous le nom de Brutus mon fils fut �lev�.
Pour me ha�r, � ciel! �tait-il r�serv�?
Mais lis, tu sauras tout par cet �crit funeste.

ANTOINE. _Il lit._

_C�sar, je vais mourir. La col�re c�leste
Va finir � la fois ma vie et mon amour:
Souviens-toi qu'� Brutus C�sar donna le jour.
Adieu. Puisse ce fils �prouver pour son p�re
L'amiti� qu'en mourant te conservait sa m�re!_
_Servilie._
Quoi! faut-il que du sort la tyrannique loi,
C�sar, te donne un fils si peu semblable � toi!

C�SAR.

Il a d'autres vertus; son superbe courage
Flatte en secret le mien, m�me alors qu'il l'outrage.
Il m'irrite, il me pla�t. Son coeur ind�pendant
Sur mes sens �tonn�s prend un fier ascendant.
Sa fermet� m'impose, et l'excuse m�me
De condamner en moi l'autorit� supr�me.
Soit qu'�tant homme et p�re, un charme s�ducteur
L'excusant � mes yeux, me trompe en sa faveur:
Soit qu'�tant n� Romain, la voix de ma patrie
Me parle malgr� moi contre ma tyrannie,
Et que la libert� que je viens d'opprimer,
Plus forte encor que moi, me condamne � l'aimer.
Te dirai-je encore plus? si Brutus me doit l'�tre,
S'il est fils de C�sar, il doit ha�r un ma�tre.
J'ai pens� comme lui d�s mes plus jeunes ans,
J'ai d�test� Sylla, j'ai ha� les tyrans.
J'eusse �t� citoyen, si l'orgueilleux Pomp�e
N'e�t voulu m'opprimer sous sa gloire usurp�e.
N� fier, ambitieux, mais n� pour les vertus,
Si je n'�tais C�sar, j'aurais �t� Brutus.
Tout homme � son �tat doit plier son courage.
Brutus tiendra bient�t un diff�rent langage,
Quand il aura connu de quel sang il est n�.
Crois-moi, le diad�me � son front destin�
Adoucira dans lui sa rudesse importune;
Il changera de moeurs en changeant de fortune;
La nature, le sang, mes bienfaits, tes avis,
Le devoir, l'int�r�t, tout me rendra mon fils.

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Books | Photos | Paul Mutton | Sat 28th Dec 2024, 2:18