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Page 18
Eh bien?
BRUTUS.
Tu vois la Terre enchain�e � ton char:
Romps nos fers, sois Romain, renonce au Diad�me.
CESAR.
Ah! que proposes-tu?
BRUTUS.
Ce qu'a fait Sylla m�me
Longtems dans notre sang Sylla s'�tait noy�;
Il rendit Rome libre, & tout fut oubli�.
Cet assassin illustre, entour� de victimes,
En descendant du Throne effa�a tous ses crimes.
Tu n'eus point ses fureurs, ose avoir ses vertus.
Ton coeur sut pardonner; Cesar, fais encor plus.
Que servent d�sormais les graces que tu donnes?
C'est � Rome, � l'Etat qu'il faut que tu pardonnes:
Alors plus qu'� ton rang nos coeurs te sont soumis?
Alors tu sais r�gner, alors je suis ton fils.
Quoi! je te parle en vain?
CESAR.
Rome demande un Ma�tre;
Un jour � tes d�pens tu l'apprendras peut-�tre.
Tu vois nos Citoyens plus puissans que des Rois.
Nos moeurs changent, Brutus; il faut changer nos Loix.
La libert� n'est plus que le droit de se nuire:
Rome, qui d�truit tout, semble enfin se d�truire.
Ce Colosse effrayant, dont le monde est foul�,
En pressant l'Univers, est lui-m�me �branl�.
Il penche vers sa chute, & contre la temp�te
Il demande mon bras pour soutenir sa t�te.
Enfin depuis Sylla, nos antiques vertus,
Les Loix, Rome, l'Etat, sont des noms superflus.
Dans nos tems corrompus, pleins de guerres civiles,
Tu parles comme au tems des D�ces, des Emiles.
Caton t'a trop s�duit, mon cher fils, je pr�voi
Que ta triste vertu perdra l'Etat & toi.
Fai c�der, si tu peux, ta raison d�tromp�e
Au vainqueur de Caton, au vainqueur de Pomp�e,
A ton p�re qui t'aime, & qui plaint ton erreur.
Sois mon fils en effet, Brutus, ren-moi ton coeur;
Pren d'autres sentimens, ma bont� t'en conjure;
Ne force point ton ame � va�ncre la nature.
Tu ne me r�pons rien: tu d�tournes les yeux?
BRUTUS.
Je ne me connais plus. Tonnez sur moi grands Dieux!
Cesar...
CESAR.
Quoi! tu t'�meus? ton ame est amollie?
Ah! mon fils...
BRUTUS.
Sais-tu bien qu'il y va de ta vie?
Sais-tu que le S�nat n'a point de vrai Romain,
Qui n'aspire en secret � te percer le sein?
(_Il se jette � ses genoux._)
Que le salut de Rome, & que le tien te touche.
Ton g�nie allarm� te parle par ma bouche:
Il me pousse, il me presse, il me jette � tes pieds.
Cesar, au nom des Dieux dans ton coeur oubli�s,
Au nom de tes vertus, de Rome, & de toi-m�me,
Dirai-je au nom d'un fils qui fr�mit & qui t'aime,
Qui te pr�f�re au monde, & Rome seule � toi,
Ne me rebutes pas.
CESAR.
Malheureux, laisse-moi.
Que me veux-tu?
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