Les aventures de M. Colin-Tampon by Jules Girardin


Main
- books.jibble.org



My Books
- IRC Hacks

Misc. Articles
- Meaning of Jibble
- M4 Su Doku
- Computer Scrapbooking
- Setting up Java
- Bootable Java
- Cookies in Java
- Dynamic Graphs
- Social Shakespeare

External Links
- Paul Mutton
- Jibble Photo Gallery
- Jibble Forums
- Google Landmarks
- Jibble Shop
- Free Books
- Intershot Ltd

books.jibble.org

Previous Page | Next Page

Page 1

Il va sans dire que M. Colin-Tampon avait �t� jeune dans son temps. Si
nous le prenons � l'�ge de seize ans, nous remarquons qu'il s'appelait
alors Colin tout court, qu'il �tudiait pendant le jour les myst�res de
la mercerie, rue Saint-Denis, � l'enseigne du _Bouton-d'Or_, sous les
auspices de M. Tampon, patron peu endurant; la nuit, il dormait � poings
ferm�s dans une soupente situ�e au sixi�me �tage de la maison m�me o�
habitait son patron. Comme il n'�tait point ambitieux, ses r�ves,
quand par hasard il r�vait, ne lui montraient point la jolie villa de
Courbevoie ni les honneurs municipaux; oh, mon Dieu, non! Il r�vait
qu'il y avait deux dimanches par semaine au lieu d'un, ou bien que la
morue n'apparaissait qu'une fois par semaine, au lieu de cinq, sur la
table du patron.

N'allez pas conclure de l� que le jeune Ernest Colin fut un paresseux
ou un gourmand. Son patron le faisait travailler avec une s�v�rit� si
implacable, que le soir �les jambes lui rentraient dans le corps�. Il
�tait donc bien excusable de soupirer apr�s le jour du repos. Quant � la
morue, mon intention n'est point d'en dire du mal. C'est un mets exquis
pour ceux qui l'aiment, et encore � condition qu'ils n'en abusent pas.
Ernest en abusait, et il en abusait bien malgr� lui, car il avait une
horreur instinctive pour ce mets, cher � M. Tampon.

Arriv� � l'�ge de vingt-cinq ans, Ernest descendit de la soupente pour
�pouser la fille de son patron, lequel s'en alla planter ses choux
� Charenton, tout en conservant un int�r�t dans les affaires du
_Bouton-d'Or_.

Un peintre en b�timents dressa son �chelle le long de la devanture
et, devant le mot _Tampon_, peignit le mot _Colin_, ce qui fit
_Colin-Tampon_. Mais comme l'image du _Bouton-d'Or_, qui planait
au-dessus du mot Tampon, ne se trouvait plus au milieu de l'inscription,
le peintre, pour r�tablir la sym�trie, ajouta, � droite de Tampon, _et
Cie_, ce qui fit _Colin-Tampon et Cie_. Comme cette addition ne pouvait
faire de tort � personne, personne ne r�clama.

Vers la quarantaine, M. Colin-Tampon eut un violent acc�s de goutte.
Dans ses m�ditations solitaires, qui toujours roulaient sur la mercerie,
il lui vint une inspiration de g�nie, et il inventa le _bouton
inamovible_ qui fit sa fortune.

[Illustration: Il apparut en grand �quipage aux yeux �blouis de sa
femme.]

Devenu riche, il se retira � Courbevoie et fut bient�t �lu conseiller
municipal. Cependant la goutte le tracassait et l'embonpoint commen�ait
� l'envahir.

Il consulta ses amis, qui lui enseign�rent des rem�des de bonnes femmes,
et ne s'en trouva pas soulag�. Sur le conseil de son m�decin, il prit un
port d'armes, acheta un harnachement de chasseur et un chien. Puis, un
jour, il apparut en grand �quipage aux yeux �blouis de sa femme et de sa
servante, fier comme Artaban et beau comme Apollon Pythien.




II


D'un pas martial, il descendit les marches du perron en faisant sonner
les clous de ses souliers. D�j�, � grandes enjamb�es, il se dirigeait
vers la grille du jardin, lorsque Mme Colin-Tampon �prouva le besoin
d'ajouter quelques conseils aux nombreuses recommandations qu'elle lui
avait d�j� prodigu�es.

�Ernest!� s'�cria-t-elle.

Ernest fit volte-face, et, voyant que sa femme accourait vers lui, il
voulut galamment lui �pargner les deux tiers du chemin. Il ne courait
pas il volait, et les trois petites plumes qui ornaient son chapeau
�taient rejet�es en arri�re par la rapidit� de sa course.

En le voyant si jeune et si leste, Mme Colin-Tampon sourit. Ernest
arriva comme elle descendait la derni�re marche du perron; son mouvement
fut si vif, que le tendre baiser destin� � la joue de Mme Colin-Tampon
retentit sur le bout de son nez.

�Ernest, dit-elle, tu seras prudent.

--Je te l'ai promis.

Previous Page | Next Page


Books | Photos | Paul Mutton | Fri 29th Mar 2024, 10:37