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Page 9
Celui-ci, ayant engouffr� une quantit� invraisemblable de victuailles
dans son petit corps, venait de demander sa voiture, lorsqu'on annon�a
le comte Ogoksko�.
--C'est mon oncle, aide de camp du tsar, dit Mourzakine; me
permettrez-vous de vous le pr�senter?
--Aide de camp du _gzar_? Nous irons ensemble � sa rencontre! s'�cria
le marquis, enchant� de pouvoir �tablir des relations avec un serviteur
direct du ma�tre.
Il oubliait, l'habile homme, que le r�le des serviteurs d'un grand
prince est de ne jamais vouloir que ce que veut le prince avant de les
consulter.
Le comte Ogoksko� avait �t� un des beaux hommes de la cour de Russie,
et, quoique brave et instruit, �tant n� sans fortune, il n'avait d� la
sienne qu'� la protection des femmes. La protection, de quelque part
qu'elle v�nt, �tait � cette �poque la condition indispensable de toute
destin�e pour la noblesse pauvre en Russie. Ogoksko� avait �t� prot�g�
par le beau sexe, Mourzakine �tait prot�g� par son oncle: on avait du
m�rite personnel si on pouvait, mais il fallait, pour obtenir quelque
chose, ne pas commencer exclusivement par le m�riter. Le temps �tait
proche o� la monarchie fran�aise profiterait de cet exemple, qui rend
l'art de gouverner si facile.
Ogoksko� n'�tait plus beau. Les fatigues et les anxi�t�s de la servitude
avaient d�garni son front, alt�r� ses dents, fl�tri son visage. Il avait
d�pass� notablement, disait-on, la cinquantaine, et il aurait pris
du ventre, si l'habitude qu'ont les officiers russes de se serrer
cruellement les flancs � grands renfort de ceinture n'e�t forc�
l'abdomen � se r�fugier dans la r�gion de l'estomac. Il avait donc le
buste �norme et la t�te petite, disproportion que rendait plus sensible
l'absence de chevelure sur un cr�ne d�prim�. Il avait en revanche plus
de croix sur la poitrine que de cheveux au front; mais si sa haute
position lui assurait le privil�ge d'�tre bien accueilli dans les
familles, elle ne le pr�servait pas d'une baisse consid�rable dans ses
succ�s aupr�s des femmes. Ses passions, rest�es vives, n'ayant plus le
don de se faire partager, avaient empreint d'une tristesse hautaine la
physionomie et toute l'attitude du personnage.
Il se pr�senta avec une grande science des bonnes mani�res. On e�t dit
qu'il avait pass� sa vie en France dans le meilleur monde; telle fut
du moins l'opinion de la marquise. Un observateur moins pr�venu e�t
remarqu� que le trop est ennemi du bien, que le comte parlait trop
grammaticalement le fran�ais, qu'il employait trop rigoureusement
l'imparfait du subjonctif et le pr�t�rit d�fini, qu'il avait une gr�ce
trop ponctuelle et une amabilit� trop m�canique. Il remercia vivement
la marquise des bont�s qu'elle avait pour son neveu et affecta de le
traiter devant elle comme un enfant que l'on aime et que l'on ne prend
pas au s�rieux. Il le plaisanta m�me avec bienveillance sur son aventure
de la veille, disant qu'il �tait dangereux de regarder les Fran�aises,
et que, quant � lui, il craignait plus certains yeux que les canons
charg�s � mitraille. En parlant ainsi, il regarda la marquise, qui le
remercia par un sourire.
Le marquis implora vivement son appui politique, et plaida si chaudement
la cause des Bourbons que l'aide de camp d'Alexandre ne put cacher sa
surprise.
--Il est donc vrai, monsieur le marquis, lui dit-il, que ces princes ont
laiss� d'heureux souvenirs en France? Il n'en fut pas de m�me chez nous
lorsque le comte d'Artois vint implorer la protection de notre grande
Katherine. Ne _ou�tes-vous_ point parler d'une merveilleuse �p�e qui lui
fut donn�e pour reconqu�rir la France, et qui fut promptement vendue en
Angleterre?...
--Bah! dit le marquis, pris au d�pourvu, il y si longtemps!...
--M, le comte d'Artois �tait jeune alors, ajouta la marquise, et M.
Ogoksko� �tait bien jeune aussi! Il ne peut pas s'en souvenir.
Cette adroite flatterie p�n�tra Ogoksko� de reconnaissance. Avec la
subtile p�n�tration que poss�dent les femmes en ces sortes de choses,
Flore de Thi�vre avait trouv� l'endroit sensible et beaucoup plus
gagn� en trois mots que son mari avec ses torrents de paroles et de
raisonnements.
M. de Thi�vre, voyant qu'elle plaidait mieux que lui, et sachant que
la beaut� est meilleur avocat que l'�loquence, les laissa ensemble.
Mourzakine restait en tiers; mais au bout d'un instant il re�ut, des
mains de Martin, un message auquel il demanda la permission d'aller
r�pondre de vive voix.
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